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La tombe d' Etienne-Joseph Regnier

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Route de Liège , 0, 4190    Vieuxville (   Vieuxville ) (    Ferrières -    Liège -    Wallonie -    Belgique )
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   Monuments funéraires 
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Informations

( Vieuxville, Route de Liège)

( Vieuxville, Route de Liège)

( Vieuxville, Route de Liège)

( Vieuxville, Route de Liège)

( Vieuxville, Route de Liège)
Au cimetière de Vieuxville, une tombe sans emblème religieux, rappelle le souvenir d'Etienne-Joseph Regnier.
Massive, surélevée sur 5 pieds, elle a, jusqu'ici défié le temps, mais celui-ci pourrait bien, comme pour tout,
avoir le dernier mot. Déjà la mousse efface son épitaphe.
Regnier, personnage énigmatique pour lequel les historiens ne semblent pas d'accord. Certains l'ont blâmé et
d'autres louangé. Nous ne trancherons pas. Voyez l'article de Erpe. Ses écrits sont quand même parsemés
d'expressions haineuses envers les prêtres notamment. C'était aussi un homme redoutable. Avocat de talent et plein
d'ambition, il avait de suite senti d'où vient le vent lorsque les Français s'installent à Liège. Il s'était placé
sur les rangs sans tarder pour obtenir de l'avancement.
Sa fonction ? Ce capitaine d'artillerie (batailles de Fleurus, de Liège, de Sprimont) est chargé par la France
d'organiser à Liège le règne de la justice ! Ce tribunal est appelé à juger les affaires criminelles et civiles.
Regnier en sera l'accusateur public. Il fut aussi nommé procureur général impérial pour le département de l'Ourthe
par Bonaparte. Puis chevalier de la Légion d'honneur. Il s'illustra et obtint distinction et honneur. Les dames
l'appelaient "Fouché", les hommes s'écartaient de son chemin. Sous l'Empire, il fut appelé Regnier de Grandchamps.
Anoblissement ! Quand tu nous tiens !
Né français en 1758 et naturalisé liégeois, il a choisi pour y être enterré seul (son épouse - mariage en 1797 -
Marie Joséphine Grandchamps est enterré à Liège) le village de Vieuxville car il y possède de grands biens = des
biens ecclésiastiques achetés. Il est connu pour avoir été le propriétaire d'environ 200ha. A Ferrières, il
acquiert le presbytère et le Pièri. Il eut des démêlés inamicaux avec l'administration communale de Ferrières au
sujet des limites de sa propriété au bois Colâs l'Mouni. Le doyen Luin eut aussi des discussions avec ses héritiers.

Il est mort le 11-12-1849 âgé de plus de 90 ans.
Marcellin de la Garde en fait un personnage important avec le juge Kersten, dans la noyée du gouffre noir dans les
légendes du Val de l'Ourthe

( Vieuxville, -)
A PROPOS de L'ACCUSATEUR PUBLIC ETIENNE JOSEPH REGNIER INHUME à VIEUXVILLE
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Les deux articles parus dans ce journal les 25 mai et 8 juin sous le titre « Un grand souvenir » appellent, à notre
humble avis, des réserves et un complément d'informations en ce qui concerne le portrait moral de Etienne-Joseph
REGNIER connu surtout comme Accusateur public dès le début du Régime français.
Nous nous permettons de les exposer ici avec le seul souci de l'impartialité et de l'objectivité.

1. UN RAPPEL.

E.-J. Regnier, né en 1758 à Beaune, Département de la Côte d'Or en Bourgogne — capitaine d'artillerie, entre à
Liège fin juillet 1794 — devient Accusateur public auprès du Tribunal révolutionnaire. Accusateur public auprès du
Tribunal Criminel du nouveau Département de l'Ourte, Commissaire du gouvernement auprès du même tribunal, Procureur
général impérial à la Cour de Justice criminelle - épouse une Liégeoise, Marie-Joséphine Grandchamps en septembre
1797 — meurt à Liège en 1849 à l'âge de 92 ans — est inhumé, seul de sa famille (circonstance assez inattendue
de prime abord) dans- le petit cimetière de Vieuxville.

Une première constatation : l'auteur des deux articles susdits se base sur un seul ouvrage ayant étudié les
activités de Regnier, à savoir : « Le Tribunal révolutionnaire de Liège » par Georges de Froidcourt, C'est
insuffisant : le lecteur non averti, n'ayant entendu qu'un seul son de cloche, aura du personnage un avis incomplet qui
ne correspond pas toujours à celui d'autres auteurs qui se sont occupés du cas Regnier. Il est nécessaire également,
en l'occurrence, d'envisager certaines, circonstances en rapport avec les activités de Regnier.

En ce qui nous concerne, nous nous rapportons notamment aux ouvrages suivants :
1. La Guillotine liégeoise, autre ouvrage de G. de Froidcourt.
2. Trois discours (édités depuis lors) prononcés par M. Ernst, Procureur général, aux audiences des rentrées de
1877, 1878 et 1879.
3. La. Domination française en Belgique, par Paul Verhaegen.
4. Vieuxville, commune rurale de Wallonie, par Mlle H. Damas, licenciée en géographie de l'U. Lg.
5. La Vente des biens du clergé dans le Département de l'Ourthe, par I. Delatte, conservateur des Archives de l'Etat
à Liège.
6. Histoire du Comté de Logne, par Yernaux.
7. Histoire des paroisses du Doyenné de Ferrières de 1794 à 1802. Notes consignées par l'Abbé Warzée, secrétaire
des Conférences du Doyenné (1861).

Pour être objectif, une remarque préliminaire s'impose. G. de Froidcourt envisage avant tout l'activité de Regnier en
tant que magistrat ; toutefois il nie en même temps son sectarisme anti-religieux affirmé par d'autres auteurs. En
second lieu, on ne doit pas perdre de vue que Regnier était Français et chargé de faire exécuter les lois édictées
par le gouvernement français, devenu celui de la Belgique (traité de Campo-Formio, 1797). Il n'était pas un "Belge,
collaborateur de l'ennemi".
Il n'empêche que la seule lecture du premier ouvrage de G. de Froidcourt est une démarche très insuffisante si l'on
veut connaître le plus complètement possible le personnage en question.
Les deux ouvrages de G. de Froidcourt ne doivent pas être rejetés, loin s'en faut, mais nous y trouvons le continuel
souci de considérer Regnier comme un homme d'une intégrité absolue, à qui nul reproche ne peut être adressé.
N'est-il pas étrange, et ceci n'indique-t-il pas un parti-pri délibéré chez de Froidcourt, de citer uniquement des
passages des discours de Ernst quand ceux-ci sont favorables à sa thèse ?

2. L'OPINION DE M. ERNST.

Or, si Ernst a eu, des paroles, même très flatteuses pour Regnier comme magistrat, il en a eu aussi d'autres et pas
tendres du tout. Qu'on en juge:

Ce sont les prêtres que Regnier qualifiait de prêtrailles, de brigands, de voleurs, etc."

Ce sont les prêtres qu'il recherchait avec persistance sous prétexte d'émigration et qu'il dénonçait aux
accusateurs publics, ses collègues voisins, lorsqu'ils n'habitaient pas son ressort."

C'est contre eux qu'il va jusqu'à lancer lui-même des mandats d'arrêt, invoquant l'article 70 du code de brumaire qui
ne confère ce droit qu'au juge, afin de les traduire devant le tribunal criminel."

Pour Regnier il n'y a pas de circonstance favorable lorsqu'il s'agit d'émigrés, de prêtres surtout. La légalité
peut à peine le contenir : tous méritent la mort et il la provoquerait contre eux de tout son pouvoir. Sa profession
de foi est sous ce rapport catégorique. Et il la fait dans une lettre au ministre de la police. (Suit un extrait trop
long à reproduire ici. Discours du 15 octobre 1877.)

Plus loin, dans ce même discours, Ernst semble résumer son opinion sur Regnier lorsqu'il prononce : "Cependant, nous
avons hâte de dire qu'à part la passion révolutionnaire et antireligieuse à laquelle il cédait sous l'influence des
idées d'alors, nous retrouvons encore en lui de nobles qualités.

II apparaît donc bien que Ernst ne fait pas de reproches à Regnier magistrat, mais qu'il s'élève contre sa passion
révolutionnaire et antireligieuse.

Nous retrouvons cette même opinion chez Verhaegen concernant la passion antireligieuse.

C'est un point que nous estimons très important et sur lequel nous reviendrons plus loin.

3. L'OPINION DE M. VERHAEGEN.

Dans le tome II, p. 139, de "La Domination française en Belgique" par P. Verhaegen, nous lisons : "La justice était
confiée à des mains peu faites pour attirer la confiance. La présidence du Tribunal criminel était exercée par le
Français Rigault et la position d'accusateur public par le Français Regnier. Ce dernier, qui venait d'exercer les
mêmes fonctions auprès du tribunal révolutionnaire de Liège, était un sans-culotte arrivé de France comme officier
dans l'armée républicaine. Il apportait de son pays toute la passion sectaire et la violence qui avaient caractérisé
la Terreur. Pendant longtemps il devait déployer ses emportements, même sa rage sanguinaire et antireligieuse dans son
pays d'adoption, jusqu'au jour où adouci par l'âge et obéissant à l'esprit nouveau, il deviendrait le chevalier
Regnier de Grandchamp, procureur général de Sa Majesté près de la cour impériale de Liège et il applaudirait au
Concordat et à la monarchie absolue. En attendant cette conversion, il se ferait remarquer par des poursuites
arbitraires dirigées contre d'anciens fonctionnaires du Prince-Evêque ou instituées sous prétexte de conspiration
contre les auteurs d'écrits critiquant le gouvernement (Lettre de Regnier, 13 sept. 1796).
Il irai même jusqu'à accabler de coups en public un receveur qui refusait de lui payer son traitement, et tous les
efforts du parti révolutionnaire devraient se coaliser pour apaiser l'offensé et soustraire l'agresseur à des
poursuites et à la révocation..."

4. REGNIER, ACQUEREUR DE BIENS ECCLESIASTIQUES.

C'est un aspect des activités de Regnier qui, en dehors de la magistrature, mérite de retenir l'attention.
"De 1796 à 1810, on a procédé à Liège, centre du département, aux adjudications de biens qui en vertu des lois
révolutionnaires, avaient été déclarés biens nationaux.
Ces ventes étaient effectuées par les soins de l'administration départementale et pour le compte du Trésor de l'Etat
français.
Les 20.000 hectares.... ?? (texte incomplet). Tout comme en France, elles concernaient les biens du clergé, de la
noblesse émigrée et du Domaine.
En Belgique, les ventes ont porté presque entièrement sur les propriétés du clergé. Celles-ci ont été vendues
pour près de quatre-vingt pour cent.
Les propriétés échappèrent à tout morcellement immédiat. Les grosses exploitations ne purent être acquises que
par des personnes disposant d'une certaine fortune. (I. Delatte - Notions préliminaires)

N.B. Ces biens portaient trois noms :
- a) biens ecclésiastiques puisque ayant appartenu presque totalement aux cures; aux fabriques d'église et surtout
aux monastères, abbayes, couvents
- b) biens nationaux, parce que saisis par l'état français et considérés comme biens "de la nation "
- c) biens noirs : nom donné par le clergé et les populations qui estimaient la saisie de ces biens comme une
spoliation et leur achat par des laïcs interdit en conscience, d'autant plus que en raison même de son caractère
(achat des biens nationaux), des condamnations formelles dont elle avait été l'objet tant de la part du Saint-Siège
que de la plupart des évêques français, l'achat des biens nationaux par les laïcs ne pouvait, dans le département
de l'Ourthe, comme partout ailleurs, que soulever la désapprobation unanime du clergé (I. Delatte, p. 11).

Et voilà que parmi les acquéreurs nous retrouvons Regnier.
Il est classé parmi les 27 acquéreurs ayant acheté entre 150 et 200 isa (Delatte, p. 27).
Pour plus de précisions, voici la liste des acquisitions de Regnier (Delatte) :

1. Commune de Comblain-au-Pont: Ferme à Fraiture, ayant appartenu aux Jésuites. Etendue : 51 bonniers.
2. Commune de Comblain-au-Pont: Ferme ayant appartenu à l'abbaye de Bernardfagne (actuellement St-Roch), vendue d'abord
à la Cie Pommier, revendue à Regnier. Etendue : 37 ha 5.
3. Commune de Couthuin: Propriété du Prince de Liège. Etendue : 9 bonniers 5 vg.
4. Commune de Ferrières: le presbytère et un bonnier 4.vg.
5. Commune de Ferrières: la ferme du Pierry et des bois. Etendue : 30 bonniers.
6. Commune de Vieuxville: la maison pastorale.
7. Commune de Vieuxville: la ferme de La Bouverie, vendue d'abord à la Cie Pommier, revendue à Regnier et son épouse.
Etendue: 58 ha 50.
8. Commune de Vieuxville: la ferme de Palogne, vendue d'abord à Bodson, revendue à Regnier. Etendue : 8 bonniers 15
vg.
9. Commune de Ville en Waret: le presbytère.

N.B.:
- 1. Le bonnier valait environ 87 centièmes d'hectare. La verge grande (vg) valait un-vingtième du bonnier (dans la
région qui nous occupe).
- 2. Ne pas confondre, à Ferrières, ferme du Pierry et ferme de La House. Les bâtiments de celle-ci se trouvent en
face de l'église et La House n'était pas un bien ecclésiastique. La ferme de pierry est située en bordure de la
place communale dénommée "le baty"
- 3. Dans les matrices cadastra les de la maison communale de Vieuxville on trouve encore que Regnier a possédé
finalement plus de 8 ha de terre à Vieuxville seulement.
- 4. Le Pierry, La Bouverie, Palogne avaient appartenu à l'Abbaye de Stavelot-Malmédy.
- 5. Pour la Bouverie, consulter également "Les Cahiers de Logne " n° 1, Bulletin du "Comté de Logne". Adresse :
Ferme de la Bouverie à Vieuxville.

Ainsi donc Régnier se sert largement et manifeste une affection particulière pour les presbytères.

Vente des biens ecclésiastiques aurait ou constituer pour le (... texte incomplet)
se procurer des terres. Qu'en sera-t-il ?

A Vieuxville, les affiches de vente des biens dits nationaux mettent aux enchères les meilleures terres de la commune,
constituant plus d'un tiers de la surface exploitable. II y avait là pour le paysan, une occasion exceptionnelle
d'augmenter son patrimoine. Ici, comme d'ailleurs en général dans ce département des deux Ourthes (I. Delatte) on ne
constate aucun empressement de la part des cultivateurs et des habitants de la région, à racheter les biens
ecclésiastiques. Ces biens seront repris par des étrangers et, en l'an XIII, par achats successifs, Etienne Regnier,
commissaire près du tribunal criminel du département de l'Ourthe, reconstitue à son profit, le domaine des moines de
Stavelot. Certes, la propriété ecclésiastique est devenue bien civil, mais pour les villageois le bloc principal des
meilleures terres reste maintenu en une seule main et l'exploitation en est confiée à des métayers. La symbiose
établie autrefois subsiste.

Regnier s'établit définitivement dans le pays : il transforme Palogne en une résidence en annexant à l'ancienne
ferme un corps de logis et en rattachant au domaine la colline boisée du château de Logne. Séparée définitivement
du finage de la Bouverie, elle est ainsi soustraite à la vie rurale. (Mlle H. Damas) -(Finage : limites, étendue).

Nous ne connaissons pas toutes les dates des acquisitions de Regnier. A Vieuxville, c'est donc en l'an XIII soit après
le Concordat (1802). A Ferrières, c'est en l'an 6, soit avant le Concordat. Nous nous arrêtons à ces détails qui ont
leur importance, parce qu'après le Concordat le clergé dût s'abstenir de troubler dans leurs consciences les
acquéreurs de biens nationaux (Delatte, p. 11), tandis qu'avant le Concordat l'achat des biens nationaux par les laïcs
ne pouvait, dans le département de l'Ourthe comme partout ailleurs, que soulever la désapprobation unanime du clergé
(Delatte, p.. 11).
On peut conclure après ceci, que Regnier s'était réellement attaché à son seigneurial domaine de Vieuxville, ce qui
expliquerait son inhumation dans le cimetière du dit lieu. Ce qui peut paraître étrange, c'est que lui seul de sa
famille ait choisi Vieuxville pour sa sépulture.

Une précision supplémentaire sur la ferme du Pierry à Ferrières: Regnier l'avait acquise le 12 fructidor an 6 pour
le prix de 5000 F.
Ses héritiers l'ont revendue le 2 août 1852 pour la somme de 49.700 F.


5. REGNIER ETAIT-IL UN SECTAIRE ANTIRELIGIEUX ?

Pour G. de Froidcourt il ne l'était nullement. J'estime pour ma part que c'est une injustice de l'accuser de passion
révolutionnaire et antireligieuse (G. de Froidcourt. La ..umonne liégeoise.) "On a voum laire ae mi un sectaire
antireligieux, aïois qu il ne lit que poursuivre avec une patriotique énergie, ies prêtres Cuclioiques qui, y-ce -a
leur inHuence morme sur le peupie, taisaient guérie sournoise a m jeune Republique» (G. de Froidcourt. Le Tribunal
révolutionnaire de Liège.)

Tandis que Verhaegen et Ernst qualifient sans hésitation Regnier de sectaire antireligieux ; nous l'avons vu plus haut.
Nous pourrions reproduire de longs et nombreux extraits des discours de Ernst dans lesquels celui-ci estime prouver son
opinion sur Regnier : passion républicaine et sectarisme antireligieux.
"La rigueur de la loi ne satisfait donc pas Regnier ; il agira pour faire porter, au besoin, des lois plus dures encore,
il ne se lasse pas de poursuivre les prêtres, on n'en signale pas assez à sa vindicte ; il faut les rechercher, les
traquer, ne lui rien laisser ignorer de ce qui les concerne. Il stimule le zèle de l'administration départementale
pour qu'elle fasse protéger énergiquement les emblèmes républicains et qu'elle fasse disparaître les dernières
croix qui surmontent certains édifices du culte. Il applaudit à des condamnations comme à des victoires, (c'est nous
qui soulignons) témoin la lettre-suivante : 6 thermidor an 6. Par votre lettre du 13, vous me transmettez deux
jugements rendus par votre tribunal. Le deuxième, en date du 13, condamne quatre prêtres réfractaires à 500 livres
d'amende et à 7 mois d'emprisonnement. Je vous félicite, ainsi que tous les membres de votre tribunal, de cette
victoire salutaire remportée sur les suppôts du fanatisme... Si vous châtiez les loups se disant pasteurs,le «
servum pecus » diminuera sans doute et finira par y voit-clair"
Regnier fut consulté un jour sur la question de savoir si l'exercice du culte (par un prêtre assermenté évidemment)
était permis dans les cimetières. La réponse qu'il fit ne manque pas de certaine actualité. La voici : 6
vendémiaire an VII. 'Au Commissaire à Malmédy. Vous me demandez encore si un prêtre enterrant dans un cimetière
attenant à une église, en habit de cérémonie tombe sous les dispositions répressives. Si le cimetière n'est pas
clos et hors la vue du public, je pense que ce prêtre est dans le cas d'être poursuivi.
En effet, la loi veut qu'aucun signe extérieur du culte ne frappe les yeux des citoyens et les gène dans les rues,
voies publiques, etc. C'est pourquoi on fait ôter les croix de dessus les clochers, des maisons, des murailles. En un
mot rien ne doit être en évidence, tout doit être circonscrit dans l'intérieur des édifices destinés aux
cérémonies.

Pourquoi cette rigueur ? C'est que le culte intolérant des catholiques exige des marques de respect aussitôt qu'il est
aperçu, entendu et reconnu d'aussi loin que ce soit, la vue d'une croix force le croyant à une marque de respect, le
son d'une cloche de même.
Il faut donc que cette vue, que ce son ne compromettent pas, vis-à-vis des fanatiques celui qui ne croit pas ; de là,
la disparition de tous signes extérieurs ; un prêtre célébrant à la vue du public, sur un cimetière ouvert, soit
aux passants, soit au regard, agit ouvertement et publiquement, il gêne ces mêmes passants, peut leur attirer des
insultes ou des disgrâces : conséquemment la loi doit l'atteindre. Que les prêtres ferment leur cimetière ou terre
bénite.
Que les catholiques exercent leur culte avec discrétion comme un amant agit avec sa maitresse." (M. Ernst. Discours de
1878):
On pourrait épiloguer sur cette élégante et délicate dernière phrase, mais passons.
Régnier estimait donc que toute manifestation religieuse extérieure devait être supprimée parce qu'elle était
susceptible d'indisposer celui qui ne croit pas ». Mais, celui qui croyait avait pu être astreint à supporter le
culte public de la déesse Raison !

A Ferrières, celui qui croyait avait dû accepter que les patriotes, pendant un temps, se servent de l'église pour
promulguer leurs lois et prêcher la révolution du haut de la chaire et de dessus le maître autel ». Ceux qui
croyaient avaient dû supporter une procession dans le village où l'on portait la déesse Raison et où l'on chantait
des couplets antireligieux» (Histoire des paroisses du doyenné de Ferrières). L'avènement de Napoléon et le
Concordat de 1802 firent lentement oublier ces extravagances. (Il s'agissait ici de l'ancienne église de Ferrières.
L'église actuelle date de 1879.)

6. COMMENT REGNIER ETAIT-IL JUGE PAR LES HABITANTS DE VIEUXVILLE ET DES ENVIRONS ?

Nous ne possédons pas de documents qui exprimeraient les sentiments des populations de l'époque, mais des suppositions
sont permises.
Dès 1790, les revendications présentées par les Lognards à l'autorité stavelotaine font dire à Yernaux (Hist. du
Comté de Logne) : « Avant tout la terre de Logne est restée fidèle à la religion catholique. Souvent des preuves :
Comblain, Fraiture, Werbomont, réclament le service de prêtres et de chapelles.
Yernaux termine son Histoire du Comté de Logne en ces termes :
« L'Ardenne liégeoise, qui depuis des semaines vivait dans la fièvre provoquée par le bruit du canon, le mouvement
des troupes, le passage des émigrés fuyant, en masse les armes de la Révolution, salua avec enthousiasme l'arrivée
de ceux qu'elle considérait comme ses libérateurs.
On sait quels furent les lendemains de cette allégresse : au lieu de l'âge d'or promis, ce furent les réquisitions
écrasantes, les extorsions, les violences et parmi elles celle qui de tout temps fut le plus ressentie par l'âme
ardennaise, la persécution religieuse (c'est nous qui soulignons). Moins de trois mois, après, le chroniqueur
Lacaille, qui n'avait pas ménagé ses justes critiques à l'ancien régime, commentant la devise des apôtres des
idées nouvelles, consignait comme suit la désillusion générale : «Liberté ! Jamais on ne l'a si peu connue.
Egalité ! Oui, mais dans le dénuement. Mort aux tyrans ! Mais jamais la tyrannie n'a été telle qu'aujourd'hui. Paix
aux chaumières! Sans doute parce qu'il n'y a plus que misère à y voir. Cela a commencé par la danse et la joie, mais
dès à présent, on ouvre les yeux : on voit sur les visages une tristesse extraordinaire... Les vieux paraissent plus
vieux et les jeunes ont des mines de vieillards.»

Et c'est à la suite de ces lendemains que Regnier apparaissait en Ardenne liégeoise et à Vieuxville avec son titre
d'accusateur public !

Nous avons sous les yeux une liste de 18 prêtres insermentés, qui avaient refusé le serment à la République) pour
les paroisses de Xhignesse, Clavier, Filot, Hamoir, Odeur, Ernonheid. Ferrières, Vieuxville, Harzé, Lorcé, Nonceveux,
Fairon, Xhoris, et une liste de 4 prêtres seulement ayant prêté le serment.
Partout les prêtres insermentés se cachent dans des maisons particulières, y disent la messe quand ils le peuvent,
administrent les sacrements en cachette aux habitants qui souvent ont recours à eux plutôt qu'aux prêtres
assermentés. On cite même le cas de Filot où aucun habitant ne voulut jamais avoir recours aux prêtres assermentés.
A Vieuxville, 8 prêtres se cachent dans des grottes pratiquées dans les débris du vieux château de Logne ; parfois
feignant d'être bûcherons, ils coupent et arrangent en faisceaux les bois croissant sur la montagne qui leur sert de
retraite et par là échappent aux recherches de leurs ennemis ; pendant la nuit on leur porte de la nourriture. Nous
pourrions continuer à rappeler maints détails de ce genre qui montrent à l'égard des prêtres l'attachement des
populations.

7. NICOLAS PAULIS, CURE A FERRIERES AVAIT SA FAMILLE A VIEUXVILLE.

Parmi les huit prêtres cachés dans les ruines du château-fort de Logne, se trouvait le curé de Vieuxville même,
l'abbé Botard ainsi que le curé de Ferrières, l'abbé Nicolas Paulis. Ce dernier, né en 1738, exerça son ministère
à Ferrières de 1766 à 1799; Retraité, il se retira dans sa famille à Vieuxville où il mourut en 1826 âgé de 88
ans.
On ne voit guère vu toutes ces circonstances pénibles comment les habitants de Vieuxville auraient pu porter dans leur
coeur un Regnier, alors qu'ils avaient à protéger leur propre pasteur et une famille éprouvée de chez eux sans
parler des bonnes terres qui leur restaient ravies par Regnier.
Comment toute la région d'ailleurs, profondément attachée à ses prêtres, aurait-elle pu vénérer un Regnier,
traqueur de curés ? Nous l'avons dit, nous ne possédons pas de documents prouvant cette hypothèse, mais est-il trop
osé d'avancer cette supposition ?
En plus de renseignements sur Regnier, nous avons ajouté certains détails qui intéresseront sans aucun doute bon
nombre de personnes et notamment les descendants de la famille Paulis qui se retrouvent encore relativement nombreux
dans la région, soit sous ce nom, soit pat des noms d'alliance : à Vieuxville même, à Bomal, à Ferrières, à
Chénée, à Liège, à Anvers, etc.

8. CONCLUSION.

Le lecteur nous saura gré nous l'espérons, d'avoir exposé des opinions tirées de différents ouvrages qui s'occupent
de Regnier.
G. de Froidcourt, le défenseur de Regnier voit en lui un magistrat qui n'a fait qu'appliquer les lois de son
gouvernement. Soit, mais il y a aussi la manière et la rigueur. Et on pourrait répondre qu'après la dernière guerre,
les Allemands, à Nuremberg, ont souvent employé le même argument. Il n'empêche que certains d'entre eux ont été
pendus.
Mais nous ne voulons pas glisser sur la pente délicate de la polémique, notre but étant de présenter les éléments
qui permettront aux lecteurs de se faire eux-mêmes un jugement. Nous ne condamnons donc, ni ne «damnons» Regnier :
mais nous n'arrivons pas non plus à le «canoniser». Et nous trouvons pour le moins... romantique, d'en faire «une
des gloires de la vallée de l'Ourthe», de considérer sa tombe comme « un éclair brillant dans la Nuit de
l'Histoire», de prétendre que «la France éternelle est la vieille maman de la Cité Ardente» et de se montrer
«heureux si on a pu tirer de l'oubli où jusqu'à présent on a laissé dormir ce grand nom... »

9. LA PIERRE TOMBALE DE REGNIER.

Le monument est constitué d'une dalle en pierre de taille très moulurée sur les côtés et posée horizontalement sur
quatre pieds également moulurés.
La dalle a une épaisseur de 23 centimètres, une longueur de un mètre et 85 centimètres ; une largeur de 85
centimètres. La hauteur totale du monument est de 50 centimètres.
La surface horizontale est ornée d'une sculpture peu profonde qui met en évidence la place réservée à
l'inscription. Celle-ci est presque entièrement illisible.
Le monument qui ne porte la trace d'aucun emblème religieux, ne s'apparente non plus à un style déterminé.
Toutefois, son allure ne manque ni d'originalité, ni d'intérêt.
L'installation a été excellente. Le monument n'a pas bougé, n'a subi aucune déviation.

D'après Thiry (Histoire de l'ancienne seigneurie et commune d'Aywaille, Ire partie, tome 2, p. 233) le monument
tabulaire porte l'inscription laconique suivante :

E.J. REGNIER
NE A BEAUNE
EN BOURGOGNE
LE 18 FEVRIER
1755
MORT LE 11 XBRE
1819

Thiry fait ici deux erreurs. Selon G. de Froidcourt. Regnier est né en 1758 et non en 1755, décédé en 1849 et non en
1819. Ces deux dates 18 février 1758 et 11 décembre 1849 concordent puisque par ailleurs G. de Froidcourt fixe à 92
ans l'âge de Regnier à son décès.

UNE SUGGESTION.

Nous nous permettons de la présenter aux vaillants groupes de jeunes qui font souvent des stages dans les ruines du
château-fort de Logne.
Un ou deux jeunes gens ne pourraient-ils se soustraire un moment de leurs activités à Logne et se rendre dans le
cimetière de Vieuxville pour y nettoyer la pierre tombale de Regnier ? Il y aurait à enlever une mousse envahissante
qui dérobe à la lecture le texte de l'inscription.
Si nous n'avons pas pu avoir, au cours de cette chronique, des paroles élogieuses pour Regnier, nous n'en faisons pas
une raison pour le mépriser.
Devant toute tombe on doit s'incliner Paix à son âme.

Raym. Paulis


( Vieuxville, -)